Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée

Aux sabres des uhlans aiguisaient leur épée…
Eh bien ! moi, je vous dis que leur pied trop clément
Sur l’hydre féodale a pesé mollement ;
Car elle siffle encor, car le monstre vivace,
Dès qu’ils furent passés, a bondi sur leur trace ;
Ils n’ont régné qu’un jour, et quand, le lendemain,
Sur la couronne à terre un Cromwell mit la main,
Pour son infâme Rump il sut trouver des membres,
Repeupla, d’un coup d’œil, les vieilles antichambres,
Et fit dans le château surgir, on ne sait d’où,
Les mannequins vivants balayés le dix août.

À l’anathème, un jour, substituant l’éloge,
On fera de leurs noms un saint martyrologe ;
Un jour on votera des honneurs immortels
À leurs tombeaux maudits transformés en autels.
Mais nous, dont le cœur chaud repousse un froid système,
Nous, peuple, qui voulons la liberté quand même,
Devançons l’avenir, et d’un pieux accueil
Honorons ces proscrits, au moins dans le cercueil.
Qu’en guise de cyprès, le chêne populaire
Prodigue à leur sommeil son ombre séculaire !
Décoré de leurs noms, pavoisé de drapeaux,
L’arbre poussera bien dans le champ du repos
Car du tronc à la tige une chaude poussière