Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/310

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pauvre dévote croyait se confesser au grand prêtre de la religion romantique ; et moi, je l’écoutais rougissant et balbutiant comme l’écolier espiègle qui s’est caché, la veille de Pâques, dans un confessionnal pour surprendre aux jolies pénitentes l’aveu de leurs péchés mignons. Notre promenade vagabonde nous avait entraînés hors du jardin. J’allais, j’allais toujours, et ma compagne suivait sans défiance ; ce n’était pas un homme mais un poète qu’elle suivait. Pour elle, le bourdon de Notre-Dame, sonnant vêpres, sonnait ma gloire ; pour elle, je portais sur le front une flamme bleue comme les Génies des contes, et, sur la foi de cette étoile, elle m’eût suivi sans hésiter jusque dans la Cour des Miracles. Nous nous trouvâmes ainsi, loin, bien loin de notre point de départ, en face d’une jolie guinguette que je connais. « Si nous entrions là, lui dis-je, nous serions plus à l’aise pour causer », et, sans attendre de réponse, je franchis le seuil, entraînant avec moi la naïve provinciale quelque peu étonnée de ces lestes façons, et les attribuant sans doute in petto à l’originalité, compagne ordinaire du génie. Les deux pommes volées m’avaient pesé jusque-là sur la conscience ; mais enfin mes remords s’évanouirent entre un rôti et un dessert. Cependant la conversation ne cessait pas d’aller son train.

« Comment me conseillez-vous de signer mon nouveau recueil ? dit la Muse : vous le savez, un nom sonore impose quelquefois au lecteur, et l’on aurait grand’peine à croire au talent d’un poète qui s’appellerait prosaïquement Thérèse Sureau ».

Je bondis à ce nom bien connu, et, béant, immobile, je fixai sur celle qui me parlait des yeux épouvantés. — « Ma cousine ! » balbutiai-je en retombant sur ma chaise.