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THÉRÈSE SUREAU


Je flânais un jour avec délice, bouche béante et le nez en l’air, sous les marronniers en fleurs du jardin des Plantes ; car ce jour était un dimanche, et j’étais alors de mon métier compositeur d’imprimerie ; or, par la littérature qui court, c’est un terrible métier, je vous jure. Figurez-vous que j’avais pâli et bâillé toute la semaine sur le nouveau roman d’un auteur en vogue. — « Mais, pourquoi donc, avais-je murmuré vingt fois, souffleter ainsi, brutalement et à tout propos, Vaugelas, Restaut et Wailly, avec lesquels je gagerais que ce monsieur n’eut jamais rien à démêler !… » Aussi, dès le matin du jour libérateur, ma main, complice involontaire et noire encore de mille attentats à la langue, s’était cachée honteuse sous un gant. Le dimanche, comme vous savez, est pour le peuple un jour de métamorphoses ; je m’avisai ce jour-là d’être galant.

Parmi les promeneurs groupés, toujours curieux et toujours les mêmes, devant l’enceinte close où se pavane l’éléphant, je venais d’apercevoir une jeune dame dont j’avais peine à m’expliquer la présence en pareil lieu, car, bien que sa mise fût d’une grande simplicité, sa figure éclatante de pâleur sous un bandeau de cheveux noirs, ne manquait pas de distinction, et ses lèvres plus d’une fois avaient accueilli par un mouvement