Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/296

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sans chanter ! cette pauvre reine qui est déjà tombée dans l’histoire, et qui tombera bientôt dans le drame, aussi poétique, aussi belle et plus pure que Marie-Stuart.

Quelle était donc l’usurpatrice qui ramassait alors à douze cents lieues de Versailles le sceptre que la reine légitime abandonnait un instant pour la houlette ?

Hâtons-nous de le dire, il n’y avait là ni fourberie ni crime de lèse-majesté. La royauté que saluait l’équipage du Héron n’était que l’innocente et fugitive royauté de la fève. Elle venait d’échoir, par la grâce du sort, à une jolie petite créole de la Martinique, parente du capitaine, et qui, sous la conduite d’une vieille tante, allait, comme la Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, poursuivre, dans la métropole, de vagues espérances de fortune et d’héritage.

Et c’était dommage, en vérité, que la jeune reine ne fût qu’une reine pour rire ; car elle s’acquittait de ses hautes et nouvelles fonctions avec un aplomb et une grâce qu’eussent enviés Catherine II et Marie-Thérèse.

« À genoux ! beau page, disait-elle au jeune aspirant qui l’avait annoncée, ne voyez-vous pas que j’ai laissé tomber mon gant ? … À moi ! mon conseil des ministres, et ne riez pas, messieurs, car le cas à discuter est grave. J’aime mon peuple, entendez-vous, et je veux que mon peuple m’aime ; il s’agit de décider si, pour attirer à mes pieds ses hommages, une rosette bleue sur mes souliers ne siérait pas mieux qu’une rosette blanche… Comment donc ! je crois que mon premier médecin se permet de lancer au nez de sa souveraine des bouffées de tabac, en guise d’encens ! Qu’un de mes ambassadeurs monte sur l’hippogriffe à l’instant, pour aller