Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/292

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a souris-fée qu’il tenait pressée sur son cœur. « Adieu, ma sourette, dit-il, sauve-toi vite, et cache-toi bien : ils te tueraient aussi » Cependant le bruit redoubla par degrés, le ruban de lumière s’élargit, la porte roula sur ses gonds ; et alors, croyant voir déjà se dessiner gigantesque sur le mur la silhouette de Tristan, Nemours joignit les mains, ferma les yeux, recommanda pour la dernière fois son âme à Dieu, et attendit… Il n’attendit pas longtemps.

« Duc de Nemours, dit une voix douce et bien connue, vous êtes libre ».

Le captif tressaillit à ces mots, hasarda timidement un regard autour de lui, et crut rêver : Charles était là, non plus timide, contraint, abattu comme la veille, mais calme, grave, parlant et marchant en maître, déjà mûri et grandi par une heure de royauté. De nobles dames l’entouraient, contemplant le jeune prisonnier dans sa cage, avec des sourires et des pleurs ; puis les gentilshommes qui, devant cet outrage à l’enfance, chose sacrée pour la chevalerie, tourmentaient de la main, par un mouvement convulsif d’indignation, le pommeau de leur épée, et enfin des varlets, des pages, des écuyers en foule, portant des flambeaux, et agitant aux cris de : Vive le roi ! leurs toques de velours empanachées.

« Oui, poursuivit Charles VIII, le ciel, depuis une heure, m’a fait orphelin et roi. Nemours, pardonnez à mon père, et priez Dieu pour son âme ». Puis se tournant vers sa suite : « Qu’on abatte cette cage à l’instant, et qu’on en jette les débris à la Loire ; car il n’en doit rester ni vestige ni souvenir ».

Les ouvriers, mandés d’avance, se mirent à l