Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/285

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simples reines, avec un chevalier de la Table-Ronde. Une seule manquait au rendez-vous. Dès le matin, l’une des suivantes de la reine, Angélina, surnommée la Fée des Pleurs à cause de sa pitié vigilante pour toutes les infortunes, était sortie furtivement du palais. L’organe de l’ouie, chez elle plus délicat encore que chez ce fameux géant Fine-Oreille qui entendait lever le blé, dit l’histoire, lui faisait distinguer de loin les plus timides palpitations des cœurs souffrants, et jamais un appel de cette nature ne l’avait jusqu’alors trouvée sourde ou négligente. Or, des cris plaintifs, des cris d’enfant l’avaient éveillée en sursaut, et soudain elle s’était dirigée vers l’endroit d’où venait le bruit : les cheveux au vent, vêtue d’une robe flottante or et azur, tenant à la main la baguette d’ivoire, marque de sa puissance, et voltigeant plutôt qu’elle ne marchait sur la pointe des gazons et des fleurs. Elle avait adopté cette allure, de peur, disait-elle à ceux qui s’en étonnaient, de mouiller ses brodequins dans la rosée, mais en effet parce qu’elle craignait d’écraser ou de blesser par mégarde la cigale qui chante dans le sillon, et le lézard qui frétille au soleil ; car elle était si prodigue de soins et d’amour, la bonne fée ! qu’elle en répandait sur les plus humbles créatures de Dieu. Après avoir marché longtemps de la sorte, elle s’arrêta enfin devant une petite cabane sur la lisière d’une forêt. Il serait inutile de vous en faire la description, ma sœur, car je soupçonne fort que vous avez eu comme moi le bonheur d’y faire plus d’un voyage en compagnie de l’enchanteur Perrault. Vous croyez la reconnaître, et vous ne vous trompez pas : cette cabane de bûcheron est bien celle du