Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/279

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midi tintait déjà, et son repas du matin, composé, sur sa demande, de pâtisseries légères et de sucreries, l’agaçait vainement de ses parfums, et restait intact sur une table que le jeune prince frappait du poing avec impatience. Il se levait par intervalles, béant, haletant d’espérance et d’inquiétude, l’oreille au guet, et répétant : « Blanchette, Blanchette, viens donc ! le déjeuner fond au soleil, et, si tu tardes encore, les mouches vont manger ta part ! » Et, comme l’oublieux convive ne répondait pas à l’appel, le pauvre amphitryon recommençait à se désoler et à trépigner de plus belle. Tout à coup un léger bruit dans la tapisserie le fit tressaillir ; il tourna la tête, poussa un cri, et retomba sur son fauteuil, ivre de joie, et murmurant avec un soupir : « Enfin ! » Vous vous imaginez sans doute, ma sœur, que cette Blanchette tant désirée était quelque noble dame, sœur ou cousine du jeune prince ; détrompez-vous : Blanchette était tout simplement une petite souris blanche, comme son nom l’indique ; si vive qu’on eût dit, à la voir trotter, un rayon de soleil qui glisse ; et si gentille, qu’elle eût trouvé grâce en temps de guerre devant Grippeminaud, Rodilard et Raminagrobis, soudards peu délicats, comme vous savez. Charles caressa la jolie visiteuse, il la contempla lontemps avec délices pendant qu’elle grignotait un biscuit dans sa main ; puis, se souvenant qu’il devait à sa dignité de gronder un peu : « Ah ! ça, mademoiselle, dit-il d’un ton plaisamment grave, m’apprendrez-vous enfin ce que je dois penser de votre conduite ? Comment ! on vous traite ici comme une duchesse ! j’ai défendu ma porte à Olivier-le-Daim, dont la physionomie et l’allure de chat vous effarouchent ;