Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/278

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lui et le fantôme de Nemours, un des fils innocents du feu duc languissait et mourait dans un cachot du Plessis-lès-Tours

C’était une demeure terrible et mystérieuse que ce château ; ses vestibules noirs de prêtres, ses cours étincelantes de soldats, ses chapelles toujours ardentes, ses ponts-levis toujours en émoi, lui donnaient le double aspect d’une citadelle et d’un couvent. On parlait bas et l’on marchait sur la pointe du pied dans ses grandes salles, comme dans un cimetière. Et, en effet, des captifs, par centaines, gémissaient ensevelis dans les souterrains ; ceux-ci pour avoir parlé du roi, ceux-là pour avoir parlé du peuple, les autres enfin, et c’était le plus grand nombre, pour rien. Chaque dalle du château pouvait être regardée comme la pierre funèbre d’un vivant ; et c’était là que grandissait, oisif avec un esprit aventureux, seul avec une âme ardente, le dauphin Charles, alors dans sa douzième année. Pauvre fils de roi ! il cherchait en vain où reposer ses yeux des horreurs qui l’entouraient. Une forêt verte et fraîche ondoyait au pied du château ; mais les chênes y balançaient moins de glands que de pendus. La Loire serpentait vive et joyeuse à l’horizon ; mais chaque nuit la justice du roi troublait et ensanglantait son cours. Aussi, quand il avait longtemps ébréché son épée vierge aux murailles, longtemps épelé les majuscules rouges et bleues du Rosier des guerres ou du Saint Évangile, l’enfant rêveur, accoudé à sa fenêtre, passait le temps à regarder le beau ciel de Touraine et à chercher dans les formes changeantes de la nue des armées et des batailles.

Un jour pourtant ses gestes et sa physionomie trahissaient un ennui plus vif et de moins vagues préoccupations. L’Angelus de