Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/247

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Quand je jette au Destin le gage des combats,
Dame de ma pensée, au Christ d’un oratoire
Sans doute vos soupirs demandent ma victoire.
Oh ! priez : veuf de vous, mon cœur n’a point vécu ;
Mais je ne reviendrai qu’après avoir vaincu.
Vous sauriez bien encor, généreuse en silence,
De votre pauvreté me faire une opulence ;
Mais pour dot à ma sœur je n’irai plus offrir.
Mon trésor de misère, et je saurai souffrir.
La Poésie aidant !… pour conduire ma plume,
Seul flambeau de mes nuits, quand l’œil d’un chat s’allume,
Des chœurs d’esprits follets, poétiques sabbats,
Viennent fleurir sous moi la paille des grabats ;
Des palmiers, des drapeaux frissonnent sur ma joue :
Salut, bel Orient ! adieu, Paris de boue !
Chevaliers, ouvrez-moi vos rangs hospitaliers ;
Pour le Christ et l’honneur, combattons chevaliers… ;
Puis, vient l’Amour Protée et ses métamorphoses :
Renaud, l’homme de fer, se rouille sur des roses ;
Clorinde l’infidèle expire, et son amant
Baptise avec ses pleurs un front pâle et charmant.
Mais l’illusion fuit le jour qui l’intimide ;
Il brille, et tout s’en va : les preux, Clorinde, Armide,
Les armes, les drapeaux, les palmiers, tout enfin,
Tout : il ne reste là qu’un poëte et la Faim !