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Que mes chants, ma guitare, un beau ciel, un beau sol,
Je n’ai pu leur jeter l’obole qui me manque ;
Mais je quête en leur nom : sans puiser à la Banque,
Mon portefeuille est riche, et de ses plis ouverts
J’ai secoué sur eux mes seuls trésors : des vers.

19 juillet 1833


Sur ce grabat, chaud de mon agonie,
Pour la pitié je trouve encor des pleurs ;
Car un parfum de gloire et de génie
Est répandu dans ce lieu de douleurs ;
C’est là qu’il vint, veuf de ses espérances,
Chanter encor, puis prier et mourir :
Et je répète en comptant mes souffrances :
Pauvre Gilbert[1], que tu devais souffrir !

  1. Ce nom fatal vient se placer comme de lui-même sous les jeunes plumes qui tremblent en l’écrivant. L’auteur de la Satire du dix-huitième siècle est une gloire consacrée devant laquelle on s’agenouille en fermant les yeux. Pour quiconque ose les ouvrir, il est évident que Gilbert ne fut ni un Chatterton, ni un André Chénier, ni même un Malfilâtre ; mais il dut à son agonie solitaire une magnifique inspiration, et ses adieux à la vie, que tout le monde sait par cœur, suffiraient seuls, aujourd’hui qu’il a pris rang parmi les véritables poètes, pour faire taire à ses pieds tout reproche d’usurpation. H. Moreau.