Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/113

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Je ne vous dirai pas, comme le vieux curé,
Que Jésus mendiant pleure, transfiguré ;
Je ne vous dirai pas : « Pour que Dieu vous pardonne,
» Donnez, car c’est à lui que la charité donne.
» Au suppliant qui frappe ouvrez, car le grillon
» Est propice au foyer, la cigale au sillon ;
» Car le bonheur sourit aux toits que l’hirondelle
» Réjouit de ses chants et caresse à coups d’aile… »
Non ; car dans tous les cœurs la vieille foi s’endort,
Et sur l’autel désert on a mis le veau d’or.
Je dirai seulement : Donnez, pour que la foule
Oublie, en le baisant, que votre pied la foule ;
Pour que votre or, sué par tant de malheureux,
Étouffe leurs soupirs en retombant sur eux ;
Pour que votre Pactole, utile dans sa course,
Fasse, comme le Nil, perdre des yeux sa source,
Et pour que le passant vous tende un jour la main,
Si votre char vous jette aux cailloux du chemin ;
Donnez, car, agitant des torches funéraires,
Le spectre de Babœuf prêche des lois agraires ;
Le sol est un volcan ; il tremble, et, comme Dieu,
La Raison vous dira : L’aumône éteint le feu.
Quant à moi, pélerin, jouet de la fortune,
Qui me chauffe au soleil et dors au clair de lune,
Moi, qui n’ai pour tout bien, comme une gueux espagnol,