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��FRANÇOIS VILLON
��éconduit et « mis ou ranc de caymant », de mendiant. Cette dernière, Jeannette Cochereau, avait épousé Pierre de Saint- Amand (Bibl. nat. Clair. 763, p. 193), et n'avait pas eu d'enfant de son mariage, particularité utilisée par Villon dans la vengeance qu'il tire de l'affront qu'il avait reçu. Car, tandis que dans le Lais (huit. XII), Villon avait laissé à Saint-Amand pour circuler dans les rues de Paris le « Cheval blanc avec la Mule » équivoquant simplement alors sur des enseignes de tavernes connues de tout le monde, il reprend ici ces mêmes enseignes, mais en leur prêtant une signification bien moins innocente : en effet, il identifie le Cheval Blanc qui ne bouge avec Saint- Amand et la Mule avec sa femme. Il assimile donc Saint-Amand à ces « maris lents et paresseux » dont il est question dans le LIII<^ arrest d'Amours de Martial d'Auvergne, et le regarde comme un époux « sinon du tout inhabile et maleficié a tel déduit (l'amour), pour le moins homme recreu et mal propre, plus avant de babil a sa langue que d'exécution a sa lance... » (Édit. Langlet du Fresnoy, Amsterdam, I73i,in-i2, t. II, p. 481 ; l'édition de 1525 ne comprenant que LI Arrests.^ Quant à sa femme qui n'a pas eu d'enfant, Villon la met au même rang que la mule (cf. l'adage : Cum rnula pepererit ; Erasme, Adagia, I, v, LXXXIII). Je comprends ainsi les trois derniers vers (1011-1013): « Au Cheval Blanc qui ne bouge (c'est-à-dire Saint- Amand, homme affaibli et d'une virilité douteuse) je lui changeai la Mule (sa femme, bête stérile et froide) contre une Jument (une femme ardente et chaude) ; quant à la Mule (la femme Saint-Amand), je lui changeai le Cheval Blanc (son mari) contre un Asne rouge (c'est-à-dire un individu plein de lubricité « mauvais comme un âne rouge »). On sait que l'âne est pris métaphoriquement dans les auteurs sacrés pour le type de l'instinct charnel. (Cf. Du Cange s. v. asinus, asellus.) Dans l'antiquité, l'âne était consacré à Priape ; Villon, en parlant du jeu d'amour, l'appelle /e jeu d'asne (Test., 1566). A noter, en outre, que dans Renart le Nouvel du poète lillois Jacquemard Gelé (1288), celui-ci fait intervenir une mule qui est la personnification du mensonge et de la fausseté {Hist. litt. de la France, t. XXXII, p. 108). Dans le Roman de Fauvel qui s'y rattache, la Mule et la Jument incarnent « la trompe- rie et la méchanceté de ce monde » (Ibid., p. 114). — Villon se plaît à rapprocher les mots et les expressions à double entente, et à réunir les contrastes. Au Cheval Blanc qui ne bouge, il oppose un asne rouge et la Jument à la Mule, avec les qualités inhérentes à chacun d'eux.
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