COMMENTAIRE ET NOTES 243
V. 823. — Puis que hoiture y est si chicre...
A vous Bachus, prince de la boiture. Blason des vins par Pierre Danthe, fr. 1721, fol. 61. V. 824. — Dieu nous en gart, bourde jus mise !
— Bourde qui signifie d'ordinaire « mensonge » a ici le sens de « plai- santerie ». — « Blague à part » comme on dit vulgairement; c'est le Joco remoto de Cicéron. — Il est plaisant de voir Villon dont le moindre souci semble bien avoir été les subtilités métaphysiques de la théologie scolastique, y être ramené, comme malgré lui, par la force de l'habi- tude et du milieu où il avait passé sa jeunesse. En fils respectueux de l'Eglise, il ne fait nulle difficulté d'admettre que le Riche, selon la para- bole de l'Evangile, voyait Lazare dans le sein d'Abraham. Loin de lui la « présomption folle » de chercher si la proposition ne comporte pas des w//)055/Z'//îa. Son contemporain, le franciscain Olivier Maillard, dont les premières prédications datent de l'année 1460 environ, ne se tient pas pour satisfait, et se demande comment le mauvais Riche avait bien pu voir Lazare dans le sein d'Abraham, ce qui était en opposition for- melle avec la disposition des quatre « cercles » superposés de l'enfer, tels qu'ils sont décrits ci-dessus à la note du vers 801. Maillard n'est toutefois pas embarrassé pour si peu, et conclut ainsi : « Lazare était dans les hmbes où les damnés ne peuvent pas voir les bienheureux par la vision intuitive, suivant Richard et Nicolas de Lyre, mais ils les voient d'après une certaine connaissance en général. » — « Nota insuper quod licet Dives viderit Lazarum in sinu Abrahe, quia tune erat in limbo qu^ est una pars inferni ; damnati tamen non vident beatos visione intuitiva secundum ipsum Richardum et Nicolaum de Lyra, sed solum secundum quandam noticiam in generali. » Serniones dominicales (Lyon, 1503), Domin. I. post Penth., post prandium ; Servio II, fol. i^y. — Nous voilà bien fixés ; mais si Maillard se paye de mots, Villon, lui, veut des réalités, et ne voit que les conclusions pratiques. « Puisqu'en enfer, dit-il, « boiture » y est si chère, et je parle très sérieusement, que Dieu nous garde d'y aller jamais. » Sur ce point qui le touche si fort, il est intransigeant, et n'admet pas de compromis. — Il est vrai que Villon tenait sans doute sa science théologique de VElucidariutn d'Honorius, ouvrage élémentaire pour la jeunesse, où ces subtilités propres à embar- rasser l'esprit étaient sagement écartées. Au contraire, dans ce dernier ouvrage, il est dit que l'on pouvait se voir d'un cercle à l'autre dans l'enfer. Cf. liv. III, 6, col. 1161 dans Migne, Pair, ht., t. CLXXII.
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