154 FRANÇOIS VILLON
Vignolles qui a donné une traduction littérale du Compendium de Gaguin, son contemporain, tient toutefois à manifester l'admiration qu"il ressentait pour Jeanne, et commence ainsi sa relation : « Or, escou- tés chose merveilleuse et de grant miracle ! » ; ce qui n'est pas dans Gaguin, mais qui rappelle ces vers du poème de Christine de Pisan sur l'héroïne :
Oyez par tout l'univers monde Chose sur toute mervaillable
{apiid Quicherat, Procès de Jeanne d'Arc, t. V, p. 6). Philippe de Vignolles conclut : « Et ainsy avés oy la fin de la Pucelle Jehanne », et poursuit aussitôt : « Après que la Pucelle innocente fut ainsy con- dampnee a tort en la manière comme avés oy... » Fr. n. acq. 6696, fol. 32V0 et 35V0 (ms. autographe). — Gaguin, moine de tempéra- ment refroidi par l'âge, écrit avec son cerveau, Villon avec la fougue généreuse de son cœur de poète et de patriote, pris de pitié pour l'in- fortunée victime. Mais il convient de rappeler que Villon n'avait pas vingt-cinq ans quand il écrivait ces deux vers à jamais mémorables (la ballade est certainement antérieure à la Noël de 1456 qui précéda de quelques jours son départ de Paris) ; Gaguin, lui, vieux et malade, rédigeait soixante-quatre ans après l'événement (édit. de 1495). Bien différente est la relation contemporaine, toute suintant la haine, et qui est due à un Bourguignon anonyme.
Dans cette Chronique abrégée (fr. 23998) s'étendant de 1403 à 1442, le rédacteur, après une allusion au siège d'Orléans (foi. 114^° et vo)^ arrive au siège de Compiègne. « En l'an mil-iiii^.xxx. fut mis le siège a Compienne par les Anglois et Bourguignons, et levé par les Fran- chois. Auquel siège ladite Pucelle fut prinse prisonnière par les gens de messire Jehan de Luxembourg, et par luy livrée au roy d'Engleterre. Laquelle, pour l'abus et ydollatrie d'elle qu'elle avoit mis avec les Franchoys et Bretons de son party, fut preschiee a Rouen et revocquiee. Et depuis sa revocacion, sa follie et ydollatrie, fust de rechief preschiee et escandalisee par l'Eglise et livrée a la justice seculliere, pour quoy elle fust arse et brulee, et la pouldre jettee en Saine. » (Fol. 115); texte reproduit, à quelques variantes près, dans le fr. 1968, fol. 146^". Quant aux vers 349-350 de Villon, son patriotisme s'y affirme à une époque où le sentiment de la patrie, en France, existait à peine, et se limitait le plus souvent à la province ou à la ville que l'on habi- tait. Cf., à ce propos, mon édition de Gaguin, t. I, p. 159-160 et u.
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