s’étend sur le nom de Villon après son départ de Paris est une preuve malheureusement trop certaine qu’il ne dut pas vivre longtemps, mais que, usé par les privations et la débauche, ruiné dans sa santé et dégoûté de lui-même, il finit obscur et misérable, loin des siens, avant d’avoir pu donner dans toute la maturité de son talent si original et si personnel les trésors de poésie qu’il recélait en lui.
Telle fut, autant que par ses confidences et de rares documents d’archives nous pouvons l’entrevoir, l’existence tourmentée, douloureuse et lamentable du premier poète moderne dont puisse justement s’enorgueillir la France. Pour le juger avec impartialité, il faut nous dépouiller de « toute affection[1] », comme le recommandera plus tard Rabelais, nous mêler — d’esprit — à ses contemporains et leur emprunter, selon le mot, aujourd’hui à la mode, leur « mentalité ». Villon n’était certainement pas éloigné de croire de très bonne foi que, s’il avait mal tourné, et que s’il persévérait, en dépit de lui-même, dans la vie criminelle où il s’était engagé, la faute en était à cette fatalité obscure qui pesait sur lui et, comme il le disait, à Saturne qui avait ainsi fait son « fardelet[2] ». Aussi devait-il se juger beaucoup plus digne de pitié que de réprobation ; et il comptait sur la miséricorde de Dieu, à défaut de celle des hommes, pour faire son salut. D’ailleurs, au xve siècle, la morale civile se confondait avec la morale religieuse, et la notion du crime s’identifiait avec celle du péché. Quand il venait à réfléchir sur lui-même, Villon détestait sa conduite et prenait la ferme résolution de s’amender, quitte à retomber bientôt dans ses premiers errements. Or le péché,