42 FRANÇOIS VILLON
qu'il se préparait une existence misérable dont le souvenir, plus tard, lui « fendait » presque le cœur. Faible de carac- tère, prêt à céder à toute influence qui savait s'imposer à lui, il était néanmoins plein de prudence et conservait, dans l'abandon partiel de sa volonté, un sens très réel des respon- sabilités à encourir, si bien qu'il se maintint toujours, autant qu'il était en lui, dans une attitude plutôt effacée qui lui permettait ensuite d'atténuer l'importance du rôle qu'il avait pu jouer. C'est alors qu'il forma le dessein de partir pour Angers où il comptait sur les bons offices d'un frère de sa mère, religieux dans une abbaye de la ville, le même auquel il vient d'être fait allusion, à moins qu'il n'ait désigné ostensiblement cette ville pour donner le change ; car s'il était bien l'auteur du double vol commis l'année précédente en ce même lieu, il n'ignorait pas qu'il ne pouvait y retourner sans avoir d'abord obtenu les lettres de rémission qu'il avait sollicitées et qui ne devaient être expédiées qu'en décembre 1457. D'autre part, si cette affaire ne le concernait pas, il est tout naturel qu'il ait songé à aller voir son oncle pour obtenir de lui quelques subsides. Mais, désireux de se rendre intéressant, il tait ce dernier mobile qui pourrait sembler égoïste, et ne parle que de son désir d'échapper à un amour sans espoir qui lui torturait le cœur.
C'est à propos de ce voyage qu'il composa « sur le Noël morte saison » son poème le Lais où, dit-il, partant en « pays lointain » il débute par le couplet obligé de ses peines d'amour ; et il poursuit en laissant à son bienfai- teur, à ses amis, à des corporations et à des communautés religieuses une série de lais (legs) où se déploient son humour et sa fantaisie. A ce projet de départ ne se mêlait alors, semble-t-il, nul mauvais dessein. Mais une malencontreuse visite qu'il reçut à ce moment même où l'encre de son
�� �