EXAMEN DE L ŒUVRE II9
basochiens, ses compagnons habituels d'étude ou de plai- sir. Réaliste comme Deschamps, il se moque le plus sou- vent de la phraséologie conventionnelle de l'amour cour- tois dont les principaux tenants tels que Charles d'Orléans, Chartier, Machaut étaient toujours écoutés ; et aux fai- seurs d'idylles sentimentales il oppose les aspirations matérielles et peu éthérées de son Franc Gonthier : il sait aussi parler le langage de l'amour vrai et sincère, et sa langue acquiert alors une fraîcheur de sentiments qui va droit au cœur. Enfin dans le mélange de sérieux et de bouffon, de pathétique et de comique qui caractérise sa poésie, il faut voir l'influence des moralités, des farces et des mystères dont il s'assimile le langage avec une vir- tuosité qui se prête à tous les tons et toujours dans la note voulue. Aussi sa langue apparaît-elle unie, puissante, harmonieuse, infiniment variée et d'un tour essentielle- ment spirituel, d'une précision merveilleuse malgré les ellipses nombreuses dont il use en se jouant, et qui fait de lui le premier poète lyrique de son époque et le repré- sentant par excellence de l'esprit français '. Il y a toutefois
I. Aussi n'est-on pas médiocrement surpris de lire, sous la plume de Littré, la phrase suivante : « . . .Puis le xve siècle bégaye, par la vois de Charles d'Orléans et de Villon, quelques chants. . . » Étude sur Adam, mystère, dans son Hist. de la langue française (Paris, 1869, in-S»), t. II, p. 77. Combien plus exact est ce jugement de Gaston Paris : (( Le changement perpétuel et soudain du ton, dans cette œuvre infini- ment variée quoique si courte, fait de Villon le premier et peut-être le meilleur de nos humoristes. Il y déploie tour à tour une faculté d'ob- servation aiguë, un don tout plastique de description, une malice pétil- lante et un enjouement léger qui charme d'autant plus qu'il alterne sans cesse avec un sérieux pathétique. L'agrément et la variété sont accrus par l'insertion de nombreuses ballades composées, les unes avant le poème, les autres exprès pour y être intercalées. . . » Esquisse historique de la littérature française au moyen dge, depuis les origines jusqu'à la fin du XV^ siècle (Paris, 1907, in-80), p. 264. — M. L. Clédat, dans
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