98 FRANÇOIS VILLON
le P. du Cerceau, jésuite érudit autant que spirituel, dans sa lettre relative à Villon ', et insérée dans l'édition de La Haye (1742), l'apprécie avec une intelligente critique, et déclare que « sa rime... est presque toujours fort riche, et il s'en faut bien que l'on soit, en ces derniers temps, aussi curieux de cette perfection que l'a été Villon et les bons poètes françois qui l'ont suivi. » Force est d'attendre la publication des œuvres de Villon par l'abbé Prompsault, soit quatre-vingt-dix ans (1832), pour trouver, sous la plume de Daunou, un jugement laudatif assez incolore dans l'ensemble, mais exact en certains endroits, celui — entre autres — où, parlant de notre poète, il remarque que « son grand mérite est de n'être jamais prosaïque ^. » Cette même édition de Prompsault provoquait une appréciation particulièrement sympathique et précise de Théophile Gautier qui parle en poète d'un poète dont il étudie curieusement et dans le détail l'inspiration et la méthode, et dont il admire la variété des peintures et le pittoresque qu'il sait leur communiquer : il loue surtout son « égo- tisme », nullement haïssable, qui rend si attachante sa physionomie '.
Exalté par l'école romantique, Villon rencontra chez les classiques la même faveur non dissimulée. C'est ainsi que le défenseur attitré de la tradition, Nisard, dans son Histoire de la littérature française, mettait en relief, avec un rare bonheur de langage, les qualités maîtresses de Villon, et lui assignait la vraie place qu'il occupe dans notre poésie. Il va même jusqu'à mêler à l'expression de son sentiment
1. Page 1 1 et suiv., 2n« partie. — Cette lettre avait d'abord paru dans le Mercure de France.
2. Journal des Savants, septembre 1832.
3. France littéraire, 1834, reproduit dans les Grotesques (nombreuses édit.).
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