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dans l’obscurité du langage. Ici ne se rapportent pas seulement toutes les énigmes, comme celle du Sphinx, sur l’animal qui au commencement est quadrupède, puis bipède, et enfin marche sur trois pieds ; ou celle des pêcheurs qui, debout sur le ri­vage avec leur ligne et leurs hameçons, disoient qu’ils n’avoient plus les poissons qu’ils avoient pris, mais qu’en revanche ils avoient ceux qu’ils n’avoient pu prendre. Mais, outre cela, la plus grande partie des questions sur lesquelles les savants disputent ne sont presque toujours que des questions de mots. Même il ne faut pas mal penser des grands esprits au point de croire qu’ils ont imparfaite­ment conçu les choses toutes les fois qu’ils ne les expliquent pas en termes assez clairs. Ainsi, quand ils appellent lieu la superficie d’un corps ambiant, ils n’ont pas là une idée fausse, mais seulement ils abusent du mot lieu, qui, dans l’usage com­mun, signifie cette nature simple et connue par elle-même, à raison de laquelle on dit que quel­que chose est ici ou là, et qui consiste tout entière dans une certaine relation de la chose qu’on dit être en un lieu, avec les parties de l’espace étendu, et que quelques uns, voyant le nom de lieu appliqué à une surface ambiante, ont dit improprement être la localité en soi[1] ; et ainsi du reste. Ces questions de noms se rencontrent si fréquemment, que, si les

  1. Ubi intrinsecum.