Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après avoir exposé les deux opérations de l’in­telligence, l’intuition et la déduction, les seules qui puissent nous conduire à la connoissance, nous continuons d’expliquer, dans cette règle et dans la suivante, par quels moyens nous pouvons devenir plus habiles à produire ces actes, et en même temps à cultiver les deux principales fa­cultés de notre esprit, savoir la perspicacité, en envisageant distinctement chaque chose, et la sa­gacité, en déduisant habilement les choses l’une de l’autre.

La manière dont nous nous servons de nos yeux suffit pour nous apprendre l’usage de l’in­tuition. Celui qui veut embrasser beaucoup de choses d’un seul et même regard ne voit rien dis­tinctement ; de même celui qui, par un seul acte de la pensée, veut atteindre plusieurs objets à la fois a l’esprit confus. Au contraire, les ouvriers qui s’occupent d’ouvrages délicats, et qui ont cou­tume de diriger attentivement leur regard sur cha­que point en particulier, acquièrent, par l’usage, la facilité de voir les choses les plus petites et les plus fines. De même ceux qui ne partagent pas leur pensée entre mille objets divers, mais qui l’occupent tout entière à considérer les choses les plus simples et les plus faciles, acquièrent une grande perspicacité.

C’est un vice commun parmi les hommes que