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Qu’un homme, par exemple, veuille exercer le métier de forgeron ; s’il étoit privé de tous les ou­tils nécessaires, il sera forcé de se servir d’une pierre dure ou d’une masse grossière de fer ; au lieu d’enclume, de prendre un caillou pour marteau, de disposer deux morceaux de bois en forme de pinces, et de se faire ainsi les instruments qui lui sont indispensables. Cela fait, il ne commencera pas par forger, pour l’usage des autres, des épées et des casques, ni rien de ce qu’on fait avec le fer ; avant tout il se forgera des marteaux, une enclume, des pinces, et tout ce dont il a besoin. De même, ce n’est pas à notre début, avec quelques règles peu éclaircies, qui nous sont données par la constitution même de notre esprit plus tôt qu’elles ne nous sont enseignées par l’art, qu’il faudra de prime abord tenter de concilier les querelles des philosophes, et résoudre les problèmes des mathématiciens. Il fau­dra d’abord nous servir de ces règles pour trou­ver ce qui nous est le plus nécessaire à l’examen de la vérité, puisqu’il n’y a pas de raison pour que cela soit plus difficile à découvrir qu’aucune des questions qu’on agite en géométrie, en physi­que, ou dans les autres sciences.

Or, ici il n’est aucune question plus importante à résoudre que celle de savoir ce que c’est que la connoissance humaine, et jusqu’où elle s’étend, deux choses que nous réunissons dans une seule