Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/222

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qui y prennent racine malgré nos précautions et nos soins. D’ordinaire, en effet, toutes les fois qu’un écrivain s’est laissé aller par crédulité ou ir­réflexion à une opinion contestée, il n’est pas de raisons, il n’est pas de subtilités qu’il n’emploie pour nous amener à son sentiment. Au contraire, s’il a le bonheur de trouver quelque chose de certain et d’évident, il ne nous le présente que d’une manière obscure et embarrassée ; craignant sans doute que la simplicité de la forme ne dimi­nue la beauté de la découverte, ou peut-être parcequ’il nous envie la connoissance distincte de la vérité.

Il y a plus, quand même les auteurs seroient tous francs et clairs, et ne nous donneroient jamais le doute pour la vérité, mais exposeraient ce qu’ils savent avec bonne foi ; comme il est à peine une chose avancée par l’un dont on ne puisse trouver le contraire soutenu par l’autre, nous se­rions toujours dans l’incertitude auquel des deux ajouter foi, et il ne nous serviroit de rien de comp­ter les suffrages, pour suivre l’opinion qui a pour elle le plus grand nombre. En effet, s’agit-il d’une question difficile, il est croyable que la vérité est plutôt du côté du petit nombre que du grand. Même quand tous seroient d’accord, il ne nous suffiroit pas encore de connoître leur doctrine ; en effet, pour me servir d’une comparaison, ja-