Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome V.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
DISCOURS SIXIÈME. 61

qu’il le touche de ses deux mains, ainsi, lorsque nos yeux sont tous deux disposés en la façon qui est requise pour porter notre attention vers un même lieu, ils ne nous y doivent faire voir qu’un seul objet, nonobstant qu’il s’en forme en chacun d’eux une peinture.

La vision de la distance ne dépend non plus que celle de la situation d’aucunes images envoyées des objets, mais premièrement de la figure du corps de l’œil ; car, comme nous avons dit, cette figure doit être un peu autre pour nous faire voir ce qui est proche de nos yeux, que pour nous faire voir ce qui en est plus éloigné ; et à mesure que nous la changeons pour la proportionner à la distance des objets, nous changeons aussi certaine partie de notre cerveau d’une façon qui est instituée de la nature pour faire apercevoir à notre âme cette distance : et ceci nous arrive ordinairement sans que nous y fassions des réflexions ; tout de même que lorsque nous serrons quelque corps de notre main nous la conformons à la grosseur et à la figure de ce corps, et le sentons par son moyen sans qu’il soit besoin pour cela que nous pensions à ses mouvements. Nous connaissons en second lieu la distance par le rapport qu’ont les deux yeux l’un à l’autre ; car, comme notre aveugle, tenant les deux bâtons AE, CE, dont je suppose qu’il ignore la longueur, et sachant seulement l’in-