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sique vocale, ou par la force du pincement ou trait d’archet dans celle qu’on exprime sur des instruments et qui rend le son plus fort et plus distinct au commencement de chaque batterie, ce que les musiciens qui chantent ou ceux qui touchent les instruments savent naturellement remarquer, particulièrement dans les chansons aux mesures et branle desquelles nous avons coutume de danser et d’ajuster nos pas ; car c’est là principalement que cette règle s’observe, de distinguer exactement chaque mesure de musique par les gestes et les mouvements réglés de notre corps, à quoi il semble même que la musique nous porte naturellement. Car il est certain que le son a la force d’ébranler tous les corps d’alentour, comme on peut remarquer par le son des cloches un peu grosses, ou par le bruit du tonnerre, dont je laisse à chercher la raison aux physiciens ; mais ce fait étant très certain, selon l’aveu de tout le monde, et le son étant plus fort et plus distinctement aperçu au commencement de chaque mesure que dans la suite, ainsi que nous avons dit ci-dessus, il faut aussi demeurer d’accord qu’il ébranle et meut plus fortement nos esprits animaux, ce qui excite tout le corps et le rend disposé à se mouvoir. D’où il est évident que des bêtes pourroient danser avec mesure, si on les y instruisoit, ou si on les y accoutumoit de longue main, parce qu’il