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le feu ou par la chaleur, qui est l’agent le plu& fort que nous connoissions en.la nature, lorsque, raréfiant le sang dans le cœur, il sépare ses petites parties les unes des autres, et même les divise, et change leurs figures en toutes les façons imaginables.

C’est pourquoi j’admire extrêmement que, bien qu’on ait su de tout temps qu’il y a plus de chaleur dans le cœur qu’en tout le reste du corps, et que le sang peut être raréfié par la chaleur, il ne se soit toutefois ci-devant trouvé personne qui ait remarqué que c’est cette seule raréfaction du sang qui est cause du mouvement du cœur : car, encore qu’il semble qu’Aristote y ait pensé lorsqu’il a dit, au chapitre xx du livre de la Respiration, que ce mouvement est semblable à l’action d’une liqueur que la chaleur fait bouillir; et aussi que ce qui fait le pouls, c’est que le suc des viandes qu’on a mangées entrant continuellement dans le cœur, soulève sa dernière peau ; toutefois, à cause qu’il ne fait en ce lieu-là aucune mention du sang ni de la fabrique du cœur, on voit que ce n’est que par hasard qu’il a rencontré à dire quelque chose d’approchant de la vérité, et qu’il n’en a point eu de connoissance certaine. Aussi son opinion n’a-t -elle été suivie en cela de personne, nonobstant qu’il ait eu le bonheur d’être suivi de plusieurs en beaucoup d’autres moins vraisemblables.