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prévenir, et même aussi pour retarder le cours de la vieillesse, si on s’étoit assez étudié à connoître la nature de notre corps, et qu’on n’eût point attribué à l’âme les fonctions qui ne dépendent que de lui et de la disposition de ses organes.

2. D’où vient qu’on a de coutume d’attribuer ces fonctions à l’âme. Mais parceque nous avons tous éprouvé dès notre enfance que plusieurs de ses mouvements obéissoient à la volonté, qui est une des puissances de l’âme, cela nous a disposés à croire que l’âme est le principe de tous ; à quoi aussi a beaucoup contribué l’ignorance de l’anatomie et des mécaniques : car, ne considérant rien que l’extérieur du corps humain, nous ne nous sommes point imaginés qu’il eût en lui assez d’organes ou de ressorts pour se mouvoir de soi-même en autant de diverses façons que nous voyons qu’il se meut ; et cette erreur a été confirmée de ce que nous avons jugé que les corps morts avoient les mêmes organes que les vivants, sans qu’il leur manquât rien autre chose que l’âme, et que toutefois il n’y avoit en eux aucun mouvement.

3. Pourquoi elles ne lui doivent pas être attribuées. Au lieu que, lorsque nous tâchons à connoître plus distinctement notre nature, nous pouvons voir que notre âme, en tant qu’elle est une substance distincte du corps, ne nous est connue que par cela seul qu’elle pense, c’est-à-dire qu’elle entend, qu’elle veut, qu’elle imagine, qu’elle se ressouvient et qu’elle sent, parceque toutes ces fonctions