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le remède le plus général et le plus aisé à pratiquer contre tous les excès des passions, c’est que, lorsqu’on se sent le sang ainsi ému, on doit être averti et se souvenir que tout ce qui se présente à l’imagination tend à tromper l’âme et à lui faire paraître les raisons qui servent à persuader l’objet de sa passion beaucoup plus fortes qu’elles ne sont, et celles qui servent à la dissuader beaucoup plus faibles. Et lorsque la passion ne persuade que des choses dont l’exécution souffre quelque délai, il faut s’abstenir d’en porter sur l’heure aucun jugement, et se divertir par d’autres pensées jusqu’à ce que le temps et le repos aient entièrement apaisé l’émotion qui est dans le sang. Et enfin, lorsqu’elle incite à des actions touchant lesquelles il est nécessaire qu’on prenne résolution sur-le-champ, il faut que la volonté se porte principalement à considérer et à suivre les raisons qui sont contraires à celles que la passion représente, encore qu’elles paraissent moins fortes. Comme lorsqu’on est inopinément attaqué par quelque ennemi, l’occasion ne permet pas qu’on emploie aucun temps à délibérer. Mais ce qu’il me semble que ceux qui sont accoutumés à faire réflexion sur leurs actions peuvent toujours, c’est que, lorsqu’ils se sentiront saisis de la peur, ils tâcheront à détourner leur pensée de la considération du danger, en se représentant les raisons pour lesquelles il y a beaucoup plus de