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imaginer qu’on ait besoin de plus d’une moitié. Mais lorsqu’on remarque quelque chose en une qui agrée davantage que ce qu’on remarque au même temps dans les autres, cela détermine l’âme à sentir pour celle-là seule toute l’inclination que la nature lui donne à rechercher le bien qu’elle lui représente comme le plus grand qu’on puisse posséder ; et cette inclination ou ce désir qui naît ainsi de l’agrément est appelé du nom d’amour plus ordinairement que la passion d’amour qui a ci-dessus été décrite. Aussi a-t-il de plus étranges effets, et c’est lui qui sert de principale matière aux faiseurs de romans et aux poètes.

Art. 91. La définition de la joie.

La joie est une agréable émotion de l’âme, en laquelle consiste la jouissance qu’elle a du bien que les impressions du cerveau lui représentent comme sien. Je dis que c’est en cette émotion que consiste la jouissance du bien ; car en effet l’âme ne reçoit aucun autre fruit de tous les biens qu’elle possède ; et pendant qu’elle n’en a aucune joie, on peut dire qu’elle n’en jouit pas plus (397) que si elle ne les possédait point. J’ajoute aussi que c’est du bien que les impressions du cerveau lui représentent comme sien, afin de ne pas confondre cette