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et rien ne nous peut paraître tel que parce que nous l’avons ignoré, ou même aussi parce qu’il est différent des choses que nous avons sues ; car c’est cette différence qui fait qu’on le nomme extraordinaire. Or, encore qu’une chose qui nous était inconnue se présente de nouveau à notre entendement ou à nos sens, nous ne la retenons point pour cela en notre mémoire, si ce n’est que l’idée que nous en avons soit fortifiée en notre cerveau par quelque passion, ou bien aussi par l’application de notre entendement, que notre volonté détermine à une attention et réflexion particulière. Et les autres passions peuvent servir pour faire qu’on remarque les choses qui paraissent bonnes ou mauvaises, mais nous n’avons que l’admiration pour celles qui paraissent seulement rares. Aussi voyons-nous que ceux qui n’ont aucune inclination naturelle à cette passion sont ordinairement fort ignorants. (385)

Art. 76. En quoi elle peut nuire, et comment on peut suppléer à son défaut et corriger son excès.

Mais il arrive bien plus souvent qu’on admire trop, et qu’on s’étonne en apercevant des choses qui ne méritent que peu ou point d’être considérées, que non pas qu’on admire trop peu. Et cela peut entièrement ôter ou pervertir l’usage de la