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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

meuvent d’eux-mêmes et ont la vertu de mouvoir les autres.

Quant à ce que vous dites ensuite, que « vous n’accordiez pas lors au corps la vertu de se mouvoir soi-même, » je ne vois pas comment vous le pourriez maintenant défendre : comme si tout corps devoit être de sa nature immobile, et si aucun mouvement ne pouvoit partir que d’un principe incorporel, et que ni l’eau ne pût couler, ni l’animal marcher, sans le secours d’un moteur intelligent ou spirituel.

En après, vous examinez « si, supposé votre illusion, vous pouvez assurer qu’il y ait en vous aucune des choses que vous estimiez appartenir à la nature du corps ; et, après un long examen, vous dites que vous ne trouvez rien de semblable en vous. » C’est ici que vous commencez à ne vous plus considérer comme un homme tout entier, mais comme cette partie la plus intime et la plus cachée de vous-même, telle que vous estimiez ci-devant qu’étoit l’âme. Dites-moi, je vous prie, ô âme ! ou qui que vous soyez, avez-vous jusques ici corrigé cette pensée par laquelle vous vous imaginiez être quelque chose de semblable au vent ou à quelque autre corps de cette nature, infus et répandu dans toutes les parties de votre corps : certes vous ne l’avez point fait ; pourquoi donc ne pourriez-vous pas encore être un vent, ou plutôt