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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

voir par lequel les dimensions fussent changées, ils ne peuvent pas être ôtés. Et les histoires nous apprennent que cela est quelquefois arrivé, lorsqu’au lieu du pain consacré il a paru de la chair ou un petit enfant entre les mains du prêtre : car jamais on n’a cru que cela soit arrivé par une cessation de miracle, mais on a toujours attribué cet effet à un miracle nouveau. Davantage, il n’y a rien en cela d’incompréhensible ou de difficile que Dieu, créateur de toutes choses, puisse changer une substance en une autre, et que cette dernière substance demeure précisément sous la même superficie sous qui la première étoit contenue. On ne peut aussi rien dire de plus conforme à la raison, ni qui soit plus communément reçu par les philosophes, que non seulement tout sentiment, mais généralement toute action d’un corps sur un autre, se fait par le contact, et que ce contact peut être en la seule superficie ; d’où il suit évidemment que la même superficie doit toujours agir ou pâtir de la même façon, quelque changement qui arrive en la substance qu’elle couvre.

C’est pourquoi, s’il m’est ici permis de dire la vérité sans envie, j’ose espérer que le temps viendra auquel cette opinion qui admet des accidents réels sera rejetée par les théologiens, comme peu sûre en la foi, répugnante à la raison, et du tout