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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

aucune apparence de vérité. Outre cela, l’esprit humain ne peut pas concevoir que les accidents du pain soient réels et que néanmoins ils existent sans sa substance, qu’il ne les conçoive à la façon des substances ; en sorte qu’il semble qu’il y ait de la contradiction que toute la substance du pain soit changée, ainsi que le croit l’Église, et que cependant il demeure quelque chose de réel qui étoit auparavant dans le pain ; parcequ’on ne peut pas concevoir qu’il demeure rien de réel que ce qui subsiste ; et encore qu’on nomme cela un accident, on le conçoit néanmoins comme une substance. Et c’est en effet la même chose que si on disoit qu’à la vérité toute la substance du pain est changée, mais que néanmoins cette partie de sa substance qu’on nomme accident réel demeure ; dans lesquelles paroles s’il n’y a point de contradiction, certainement dans le concept il en paroît beaucoup. Et il semble que ce soit principalement pour ce sujet que quelques uns se sont éloignés en ceci de la créance de l’Église romaine. Mais qui pourra nier que lorsqu’il est permis, et que nulle raison, ni théologique, ni même philosophique, ne nous oblige à embrasser une opinion plutôt qu’une autre, il ne faille principalement choisir celles qui ne peuvent donner occasion ni prétexte à personne de s’éloigner des vérités de la foi ? Or, que l’opinion qui admet des accidents réels ne s’accommode