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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

Mais à cause que peut-être les premiers théologiens qui ont entrepris d’expliquer cette question par les raisons de la philosophie naturelle se persuadoient si fortement que ces accidents qui touchent nos sens étoient quelque chose de réel, différent de la substance, qu’ils ne pensoient pas seulement que jamais on en pût douter, ils avoient supposé, sans aucune valable raison et sans y avoir bien pensé, que les espèces du pain étoient des accidents réels de cette nature ; ensuite de quoi ils ont mis toute leur étude à expliquer comment ces accidents peuvent subsister sans sujet. En quoi ils ont trouvé tant de difficultés que cela seul leur devoit faire juger qu’ils s’étoient détournés du droit chemin, ainsi que font les voyageurs quand quelque sentier les a conduits à des lieux pleins d’épines et inaccessibles. Car, premièrement, ils semblent se contredire, au moins ceux qui tiennent que les objets ne meuvent nos sens que par le moyen du contact, lorsqu’ils supposent qu’il faut encore quelque autre chose dans les objets pour mouvoir les sens que leurs superficies diversement disposées ; d’autant que c’est une chose qui de soi est évidente, que la superficie seule suffit pour le contact ; et s’il y en a qui ne veuillent pas tomber d’accord que nous ne sentons rien sans contact, ils ne peuvent rien dire, touchant la façon dont les sens sont mus par leurs objets, qui ait