Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
OBJECTIONS ET RÉPONSES.

point été ici mon dessein de rien définir touchant la nature des accidents, mais j’ai seulement proposé ce qui m’a semblé d’eux de prime abord ; et enfin, de ce que j’ai dit que les modes ne sauroient être conçus sans quelque substance en laquelle ils résident, on ne doit pas inférer que j’aie nié que par la toute-puissance de Dieu ils en puissent être séparés, parceque je tiens pour très assuré et crois fermement que Dieu peut faire une infinité de choses que nous ne sommes pas capables d’entendre ni de concevoir.

Mais, pour procéder ici avec plus de franchise, je ne dissimulerai point que je me persuade qu’il n’y a rien autre chose par quoi nos sens soient touchés que cette seule superficie qui est le terme des dimensions du corps qui est senti ou aperçu par les sens ; car c’est en la superficie seule que se fait le contact, lequel est si nécessaire pour le sentiment, que j’estime que sans lui pas un de nos sens ne pourroit être mû ; et je ne suis pas le seul de cette opinion, Aristote même et quantité d’autres philosophes avant moi en ont été : de sorte que, par exemple, le pain et le vin ne sont point aperçus par les sens, sinon en tant que leur superficie est touchée par l’organe du sens, ou immédiatement ou médiatement par le moyen de l’air ou des autres corps, comme je l’estime, ou bien, comme disent plusieurs philosophes, par le moyen des espèces intentionnelles.