Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
OBJECTIONS ET RÉPONSES.

mense qu’elle n’a pas besoin de cause efficiente pour être, n’en a pas aussi besoin pour avoir toutes les perfections dont elle a les idées, et que sa propre essence lui donne éminemment tout ce que nous pouvons imaginer pouvoir être donné à d’autres choses par la cause efficiente.

Et ces mots, « si elle ne les a pas encore, elle se les donnera, » servent seulement d’explication ; d’autant que par la même lumière naturelle nous comprenons que cette chose ne peut pas avoir, au moment que je parle, la vertu et la volonté de se donner quelque chose de nouveau, mais que son essence est telle, qu’elle a eu de toute éternité tout ce que nous pouvons maintenant penser qu’elle se donneroit si elle ne l’avoit pas encore.

Et néanmoins toutes ces manières de parler, qui ont rapport et analogie avec la cause efficiente, sont très nécessaires pour conduire tellement la lumière naturelle, que nous concevions clairement ces choses : tout ainsi qu’il y a plusieurs choses qui ont été démontrées par Archimède touchant la sphère et les autres figures composées de lignes courbes, par la comparaison de ces mêmes figures avec celles qui sont composées de lignes droites ; ce qu’il auroit eu peine à faire comprendre s’il en eût usé autrement. Et comme ces sortes de démonstrations ne sont point désapprouvées, bien que la sphère y soit considérée comme une figure qui a plusieurs