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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

ciente proprement dite, ce que j’avoue, mais non pas que ce n’est point du tout une cause positive, qui par analogie puisse être rapportée à la cause efficiente, et cela est seulement requis en la question proposée. Car par la même lumière naturelle par laquelle je conçois que je me serois donné toutes les perfections dont j’ai en moi quelque idée, si je m’étois donné l’être, je conçois aussi que rien ne se le peut donner en la manière qu’on a coutume de restreindre la signification de la cause efficiente proprement dite, à savoir, en sorte qu’une même chose, en tant qu’elle se donne l’être, soit différente de soi-même en tant qu’elle le reçoit ; parcequ’il y a de la contradiction entre ces deux choses, être le même, et non le même, ou différent. C’est pourquoi, lorsqu’on demande si quelque chose se peut donner l’être à soi-même, il faut entendre la même chose que si on demandoit, savoir si la nature ou l’essence de quelque chose peut être telle qu’elle n’ait pas besoin de cause efficiente pour être ou exister.

Et lorsqu’on ajoute, « si quelque chose est telle, elle se donnera toutes les perfections dont elle a les idées, s’il est vrai qu’elle ne les ait pas encore, » cela veut dire qu’il est impossible qu’elle n’ait pas actuellement toutes les perfections dont elle a les idées ; d’autant que la lumière naturelle nous fait connoître que la chose dont l’essence est si im-