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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

haut présentent leurs mains les premières pour sauver leur tête, ce n’est point par le conseil de leur raison qu’ils font cette action ; et elle ne dépend point de leur esprit, mais seulement de ce que leurs sens, étant touchés par le danger présent, causent quelque changement en leur cerveau qui détermine les esprits animaux à passer de là dans les nerfs, en la façon qui est requise pour produire ce mouvement tout de même que dans une machine et sans que l’esprit le puisse empêcher.

Or, puisque nous expérimentons cela en nous-mêmes, pourquoi nous étonnerons-nous tant si la lumière réfléchie du corps d’un loup dans les yeux d’une brebis a la même force pour exciter en elle le mouvement de la fuite ?

Après avoir remarqué cela, si nous voulons un peu raisonner pour connoître si quelques mouvements des bêtes sont semblables à ceux qui se font en nous par le ministère de l’esprit, ou bien à ceux qui dépendent seulement des esprits animaux et de la disposition des organes, il faut considérer les différences qui sont entre les uns et les autres, lesquelles j’ai expliquées dans la cinquième partie du discours de la Méthode, car je ne pense pas qu’on en puisse trouver d’autres, et alors on verra facilement que toutes les actions des bêtes sont seulement semblables à celles que nous faisons sans que notre esprit y contribue. À raison de