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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

sache que le carré de sa hase est égal aux carrés des côtés. » À quoi je réponds que ce triangle peut véritablement être conçu sans que l’on pense à la proportion qui est entre le carré de sa base et les carrés de ses côtés, mais qu’on ne peut pas concevoir que cette proportion doive être niée de ce triangle, c’est-à-dire qu’elle n’appartient point à sa nature. Or il n’en est pas de même de l’esprit ; car non seulement nous concevons qu’il est sans le corps, mais aussi nous pouvons nier qu’aucune des choses qui appartiennent au corps appartienne à l’esprit ; car c’est le propre et la nature des substances de s’exclure mutuellement l’une l’autre.

Et ce que M. Arnauld a ajouté ne m’est aucunement contraire, à savoir que « ce n’est pas merveille si, lorsque de ce que je pense je viens à conclure que je suis, l’idée que de là je forme de moi-même me représente seulement comme une chose qui pense : » car, de la même façon, lorsque j’examine la nature du corps je ne trouve rien en elle qui ressente la pensée ; et on ne sauroit avoir un plus fort argument de la distinction de deux choses que lorsque, venant à les considérer toutes deux séparément, nous ne trouvons aucune chose dans l’une qui ne soit entièrement différente de ce qui se retrouve en l’autre.

Je ne vois pas aussi pourquoi cet argument semble prouver trop ; car je ne pense pas que pour