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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

mon esprit. Car il me semble qu’aucune des choses sans lesquelles une autre peut être, n’est comprise en son essence, et encore que l’esprit soit de l’essence de l’homme, il n’est pas néanmoins, à proprement parler, de l’essence de l’esprit qu’il soit uni au corps humain.

Il faut aussi que j’explique ici quelle est ma pensée lorsque je dis « qu’on ne peut pas inférer une distinction réelle entre deux choses, de ce que l’une est conçue sans l’autre par une abstraction de l’esprit qui conçoit la chose imparfaitement, mais seulement de ce que chacune d’elles est conçue sans l’autre pleinement ou comme une chose complète. » Car je n’estime pas que pour établir une distinction réelle entre deux choses il soit besoin d’une connoissance entière et parfaite, comme le prétend M. Arnauld ; mais il y a en cela cette différence, qu’une connoissance, pour être entière et parfaite, doit contenir en soi toutes et chacunes les propriétés qui sont dans la chose connue : et c’est pour cela qu’il n’y a que Dieu seul qui sache qu’il a les connoissances entières et parfaîtes de toutes choses.

Mais quoiqu’un entendement créé ait peut-être en effet les connoissances entières et parfaites de plusieurs choses, néanmoins jamais il ne peut savoir qu’il les a, si Dieu même ne lui révèle particulièrement ; car, pour faire qu’il ait une con-