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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

ple, l’immensité de Dieu peut bien être conçue sans que nous pensions à sa justice, mais on ne peut pas les avoir toutes deux présentes à son esprit, et croire que Dieu puisse être immense sans être juste. Et l’on peut aussi fort bien connoître l’existence de Dieu sans que l’on sache rien des personnes de la très sainte Trinité, qu’aucun esprit ne sauroit bien entendre, s’il n’est éclairé des lumières de la foi ; mais lorsqu’elles sont une fois bien entendues, je nie qu’on puisse concevoir entre elles aucune distinction réelle à raison de l’essence divine, quoique cela se puisse à raison des relations. Et, enfin, je n’appréhendai plus de m’être peut-être laissé surprendre et prévenir par mon analyse, lorsque voyant qu’il y a des corps qui ne pensent point, ou plutôt concevant très clairement que certains corps peuvent être sans la pensée, j’ai mieux aimé dire que la pensée n’appartient point à la nature du corps, que de conclure qu’elle en est un mode, pourceque j’en voyois d’autres, à savoir ceux des hommes, qui pensent : car, à vrai dire, je n’ai jamais vu ni compris que les corps humains eussent des pensées, mais bien que ce sont les mêmes hommes qui pensent et qui ont des corps. Et j’ai reconnu que cela se fait par la composition et l’assemblage de la substance qui pense avec la corporelle ; pourceque, considérant séparément la na-