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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

qu’il avoit des choses intellectuelles. Et d’autant que je ne m’étois jamais depuis délivré de ces préjugés, il n’y avoit rien que je connusse assez distinctement et que je ne supposasse être corporel, quoique néanmoins je formasse souvent de telles idées de ces choses mêmes que je supposois être corporelles, et que j’en eusse de telles notions qu’elles représentoient plutôt des esprits que des corps. Par exemple, lorsque je concevois la pesanteur comme une qualité réelle, inhérente et attachée aux corps massifs et grossiers, encore que je la nommasse une qualité en tant que je la rapportais aux corps dans lesquels elle résidoit, néanmoins, parceque j’ajoutois ce mot de réelle, je pensois en effet que c’étoit une substance : de même qu’un habit considéré en soi est une substance, quoique étant rapporté à un homme habillé il puisse être dit une qualité ; et ainsi, bien que l’esprit soit une substance, il peut néanmoins être dit une qualité, eu égard au corps auquel il est uni. Et bien que je conçusse que la pesanteur est répandue par tout le corps qui est pesant, je ne lui attribuais pas néanmoins la même sorte d’étendue qui constitue la nature du corps, car cette étendue est telle qu’elle exclut toute pénétrabilité des parties ; et je pensois qu’il y avoit autant de pesanteur dans une masse d’or, ou de quelque autre métal de la longueur d’un pied, qu’il y en avoit dans une pièce