Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
OBJECTIONS ET RÉPONSES.

cer, pourceque je ne remarquois rien en elles qui ne fut bien suivi, et qui ne fut tiré de principes très évidents suivant les règles de la logique ; toutefois je confesse que je ne fus pas pour cela pleinement persuadé, et qu’il m’arriva presque la même chose qu’aux astronomes, qui, après avoir été convaincus par de puissantes raisons que le soleil est plusieurs fois plus grand que toute la terre, ne sauroient pourtant s’empêcher de juger qu’il est plus petit lorsqu’ils viennent à le regarder. Mais après que j’eus passé plus avant, et qu’appuyé sur les mêmes principes j’eus porté ma considération sur les choses physiques ou naturelles, examinant premièrement les notions ou les idées que je trouvois en moi de chaque chose, puis les distinguant soigneusement les unes des autres pour faire que mes jugements eussent un entier rapport avec elles, je reconnus qu’il n’y avoit rien qui appartînt à la nature ou à l’essence du corps, sinon qu’il est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur, capable de plusieurs figures et de divers mouvements, et que ces figures et ces mouvements n’étoient autre chose que des modes, qui ne peuvent jamais être sans lui ; mais que les couleurs, les odeurs, les saveurs, et autres choses semblables, n’étoient rien que des sentiments qui n’ont aucune existence hors de ma pensée, et qui ne sont pas moins différents des corps que la douleur diffère