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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

observations que nous avons faites, sont plus certains que ceux que nous avons formés dès notre enfance, sans y avoir fait de réflexion ; ce qui ne peut recevoir aucun doute, car il est constant qu’il ne s’agit point ici du premier ni du second degré du sentiment, d’autant qu’il ne peut y avoir en eux aucune fausseté. Quand donc on dit « qu’un bâton paroît rompu dans l’eau à cause de la réfraction, » c’est de même que si l’on disoit qu’il nous paroît d’une telle façon qu’un enfant jugeroit de là qu’il est rompu, et qui fait aussi que, selon les préjugés auxquels nous sommes accoutumés dès notre enfance, nous jugeons la même chose. Mais je ne puis demeurer d’accord de ce que l’on ajoute ensuite, à savoir que « cette erreur n’est point corrigée par l’entendement, mais par le sens de l’attouchement : » car bien que, ce sens nous fasse juger qu’un bâton est droit, et cela par cette façon de juger à laquelle nous sommes accoutumés dès notre enfance, et qui par conséquent peut être appelée sentiment, néanmoins cela ne suffit pas pour corriger l’erreur de la vue, mais outre cela il est besoin que nous ayons quelque raison qui nous enseigne que flous devons en cette rencontre nous fier plutôt au jugement que nous faisons ensuite de l’attouchement qu’à celui où semble nous porter le sens de la vue : laquelle raison n’ayant point été en nous dès notre enfance ne peut être at-