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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

cidents réels, ils doivent être quelque chose de différent de cette superficie qui n’est autre chose qu’un mode ; donc, s’il y en a, ils ne peuvent être sentis. Mais qui a jamais pensé qu’il y en eût que parcequ’il a cru qu’ils étoient sentis ? De plus, c’est une chose entièrement impossible et qui ne se peut concevoir sans répugnance et contradiction, qu’il y ait des accidents réels pourceque tout ce qui est réel peut exister séparément de tout autre sujet. Or ce qui peut ainsi exister séparément est une substance, et non point un accident. Et il ne sert de rien de dire que les accidents réels ne peuvent pas naturellement être séparés de leurs sujets, mais seulement par la toute-puissance de Dieu ; car être fait naturellement, n’est rien autre chose qu’être fait par la puissance ordinaire de Dieu, laquelle ne diffère en rien de sa puissance extraordinaire, et laquelle, ne mettant rien de nouveau dans les choses, n’en change point aussi la nature : de sorte que si tout ce qui peut être naturellement sans sujet est une substance, tout ce qui peut aussi être sans sujet par la puissance de Dieu, tant extraordinaire qu’elle puisse être, doit aussi être appelé du nom de substance. J’avoue bien, à la vérité, qu’une substance peut être appliquée à une autre substance, mais quand cela arrive, ce n’est pas la substance qui prend la forme d’un accident, mais seulement le mode ou la fa-