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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

dans le temps, pour cela il est ainsi meilleur que s’il eût été créé dès l’éternité ; et doutant qu’il a voulu que les trois angles d’un triangle fussent nécessairement égaux à deux droits, pour cela, cela est maintenant vrai, et il ne peut pas être autrement, et ainsi de toutes les autres choses ; et cela n’empêche pas qu’on ne puisse dire que les mérites des saints sont la cause de leur béatitude éternelle, car ils n’en sont pas tellement la cause qu’ils déterminent Dieu à rien vouloir, mais ils sont seulement la cause d’un effet dont Dieu a voulu de toute éternité qu’ils fussent la cause : et ainsi une entière indifférence en Dieu est une preuve très grande de sa toute-puissance. Mais il n’en est pas ainsi de l’homme, lequel trouvant déjà la nature de la bonté et de la vérité établie et déterminée de Dieu, et sa volonté étant telle qu’elle ne se peut naturellement porter que vers ce qui est bon, il est manifeste qu’il embrasse d’autant plus librement le bon et le vrai, qu’il les connoît plus évidemment, et que jamais il n’est indifférent que lorsqu’il ignore ce qui est de mieux ou de plus véritable, ou du moins lorsque cela ne lui paroît pas si clairement qu’il n’en puisse aucunement douter : et ainsi l’indifférence qui convient à la liberté de l’homme, est fort différente de celle qui convient à la liberté de Dieu. Et il ne sert ici de rien d’alléguer que les essences des choses sont in-