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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

de Dieu, j’avoue qu’il n’y a que ta seule foi qui nous le puisse apprendre.

[1] Quant à la liberté du franc arbitre, il est certain que la raison ou l’essence de celle qui est en Dieu est bien différente de celle qui est en nous, d’autant qu’il répugne que la volonté de Dieu n’ait pas été de toute éternité indifférente à toutes les choses qui ont été faites ou qui se feront jamais, n’y ayant aucune idée qui représente le bien ou le vrai, ce qu’il faut croire, ce qu’il faut faire ou ce qu’il faut omettre, qu’on puisse feindre avoir été l’objet de l’entendement divin avant que sa nature ait été constituée telle par la détermination de sa volonté. Et je ne parle pas ici d’une simple priorité de temps, mais bien davantage, je dis qu’il a été impossible qu’une telle idée ait précédé la détermination de la volonté de Dieu par une priorité d’ordre ou de nature, ou de raison raisonnée, ainsi qu’on la nomme dans l’école, en sorte que cette idée du bien ait porté Dieu à élire l’un plutôt que l’autre. Par exemple, ce n’est pas pour avoir vu qu’il étoit meilleur que le monde fut créé dans le temps que dès l’éternité, qu’il a voulu le créer dans le temps ; et il n’a pas voulu que les trois angles d’un triangle fussent égaux à deux droits, parcequ’il a connu que cela ne se pouvoit faire autrement, etc. Mais, au contraire, parcequ’il a voulu créer le monde

  1. Voyez sixièmes objections, page 325 de ce volume.