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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

tièrement diverses et mutuellement indépendantes l’une de l’autre, et qu’il-répugne que des choses que nous concevons clairement et distinctement être diverses et indépendantes ne puissent pas être séparées, au moins par la toute-puissance de Dieu ; de sorte que tout autant de fois que nous les rencontrons ensemble dans un même sujet, comme la pensée et le mouvement corporel dans un même homme, nous ne devons pas pour cela estimer qu’elles soient une même chose en unité de nature, mais seulement en unité de composition. [1] Ce qui est ici rapporté des platoniciens et de leurs sectateurs est aujourd’hui tellement décrié par toute l’Église catholique, et communément par tous les philosophes, qu’on ne doit plus s’y arrêter. D’ailleurs il est bien vrai que le concile de Latran a défini qu’on pouvoit peindre les anges, mais il n’a pas conclu pour cela qu’ils fussent corporels. Et quand en effet on les croiroit être tels, on n’auroit pas raison pour cela de penser que leurs esprits fussent plus inséparables de leurs corps que ceux des hommes : et quand on voudroit aussi feindre que l’âme humaine viendroit de père à fils, on ne pourroit pas pour cela conclure qu’elle fut corporelle, mais seulement que comme nos corps prennent leur naissance de ceux de nos parents, de même

  1. Voyez sixièmes objections, page 319 de ce volume.