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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

contient rien en soi de corporel[1], nous n’osons pas néanmoins assurer que la pensée ne puisse en aucune façon convenir au corps agité par de secrets mouvements ; car, voyant qu’il y a certains corps qui ne pensent point, et d’autres qui pensent, ne passerions-nous pas auprès de vous pour des sophistes, et ne nous accuseriez-vous pas de trop de témérité, si nonobstant cela nous voulions conclure qu’il n’y a aucun corps qui pense ? Nous avons même de la peine à ne pas croire que vous auriez eu raison de vous moquer de nous, si nous eussions les premiers forgé cet argument qui parle des idées, et dont vous vous servez pour la preuve d’un Dieu, et de la distinction réelle de l’esprit d’avec le corps, et que vous l’eussiez ensuite fait passer par l’examen de votre analyse. Il est vrai que vous paroissez en être si fort prévenu et préoccupé, qu’il semble que vous vous soyez vous-même mis un voile au-devant de l’esprit qui vous empêche de voir que toutes les opérations et propriétés de l’âme que vous remarquez être en vous dépendent purement des mouvements du corps ; ou bien défaites le nœud*qui selon votre jugement tient nos esprits enchaînés, et qui les empêche de s’élever au-dessus du corps et de la matière. Le nœud que nous trouvons en ceci est que nous comprenons fort bien que deux et trois joints en-

  1. Voyez Méditation vi, tome i, page 322.