Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
319
OBJECTIONS ET RÉPONSES.

ce que vous dites, et ainsi jusques à l’infini, il est évident que vous ne pouvez pas savoir si vous êtes, ou même si vous pensez.

Mais, pour venir au second scrupule, lorsque vous dites « je pense, donc je suis, » ne pourroit-on pas dire que vous vous trompez, que vous ne pensez point, mais que vous êtes seulement mû, et que vous n’êtes rien autre chose qu’un mouvement corporel ; personne n’ayant encore pu jusques ici comprendre votre raisonnement, par lequel vous prétendez avoir démontré qu’il n’y a point de mouvement corporel qui puisse légitimement être appelé du nom de pensée. Car pensez-vous avoir tellement coupé et divisé par le moyen de votre analyse tous les mouvements de votre matière subtile que vous soyez assuré, et que vous nous puissiez persuader, à nous qui sommes très attentifs et qui pensons être assez clairvoyants, qu’il y a de la répugnance que nos pensées soient répandues dans ces mouvements corporels ?

Le troisième scrupule n’est point différent du second ; car, bien que quelques pères de l’Église aient cru avec tous les platoniciens que les anges étoient corporels, d’où vient que le concile de Latran a défini qu’on les pouvoit peindre, et qu’ils aient eu la même pensée de l’âme raisonnable, que quelques uns d’entre eux ont estimé venir de père à fils, ils ont néanmoins tous dit que les anges et