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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

notre auteur même dit en quelque endroit), et partant que c’est une chose superflue de demander pourquoi il persévère dans l’être. Voire même, comme l’enseigne saint Augustin, lequel, après les auteurs sacrés, a parlé de Dieu plus hautement et plus dignement qu’aucun autre, en Dieu il n’y a point de passé ni de futur, mais un continuel présent ; ce qui fait voir clairement qu’on ne peut sans absurdité demander pourquoi Dieu persévère dans l’être, vu que cette question enveloppe manifestement le devant et l’après, le passé et le futur, qui doivent être bannis de l’idée d’un Être infini.

De plus, on ne sauroit concevoir que Dieu soit par soi positivement comme s’il s’étoit lui-même premièrement produit ; car il auroit été auparavant que d’être, mais seulement (comme notre auteur déclare en plusieurs lieux) parcequ’en effet il se conserve.

Mais la conservation ne convient pas mieux à l’Être infini que la première production. Car qu’est-ce, je vous prie, que la conservation, sinon une continuelle reproduction d’une chose ; d’où il arrive que toute conservation suppose une première production ; et c’est pour cela même que le nom de continuation, comme aussi celui de conservation, étant plutôt des noms de puissance que d’acte, emportent avec soi quelque capacité ou disposition à